On doit traverser le Tsangpo pour se rendre à
(Tsethang) qui se trouve sur l'autre rive. Comme le fleuve fait plusieurs
kilomètres de large, on doit prendre le « ferry ». On prend
donc la « bétaillère » pour se rendre à
l'embarcadère de Zukhardo situé à une dizaine de
kilomètre d'ici. Là-bas des grandes barges en
bois à fond plat nous attendent pour faire la traversée. C'est
le ferry « de luxe » pour touristes : les barges on un petit
moteur.
Barge de traversée du Tsangpo
La traversée est tranquille et agréable avec juste en cours
de route un petit changement dans la répartition des passagers dans la
barge pour accommoder le courant. Arrivé sur l'autre rive, on
aperçoit toujours (Samye) au loin en face : on distingue bien
le temple principal doré ainsi que les quatre grands
(chörtens).
Le bus qui doit nous emmener a du retard et arrive juste au moment où on s'apprêtait à en louer un autre à la place.
On prend la route (goudronnée maintenant) et on se rend donc
à (Tsethang) (3685 m d'altitude). Là, comme
à
(Lhassa) c'est une grande ville chinoise moderne qui nous
attend. Douche chaude très agréable et bienfaisante à
l'hôtel, déjeuner dans un restaurant chinois imposé, puis
retour à l'hôtel et après-midi libre.
On sort pour aller visiter le quartier tibétain. Je suis complètement décalé : après le déjeuner dans le resto chinois et la ville chinoise dans laquelle on se trouve j'ai l'impression d'être en Chine ! On arrive à un marché en plein air : pas grand monde. On le traverse et on tombe sur l'entrée du quartier tibétain. Là le contraste est saisissant : on est de nouveau dans un village tibétain typique, avec des ruelles non goudronnées dans lesquelles des vaches ruminent et des meules de foin sèchent ... et je me demande comment il est possible d'avoir des animaux et du foin dans une ville moderne !
En fait le quartier tibétain est le village tibétain originel
de (Tsethang) et les chinois ont construit une immense
ville moderne tout autour histoire d'encercler et d'isoler ce village. C'est
comme dans le Domaine des dieux, l'album d'Astérix
où César veut construire une ville romaine autour du petit
village gaulois pour assimiler petit à petit ce dernier. La
différence est que les tibétains n'ont pas de potion magique
pour se défendre contre l'envahisseur chinois et je crains qu'ils
perdent la partie comme à
(Lhassa).
Après quelque temps on oublie la présence de la ville et on
se laisse imprégner par l'ambiance du quartier. On se retrouve alors au
Tibet dans
un village magnifique. Un signe traduit quand même que tout n'est pas
normal : les tibétains hésitent lorsqu'on les salue avec
l'expression traditionnelle tibétaine (Tashidelek),
comme s'ils n'avaient pas trop le droit d'utiliser cette expression.
Vue de (Tsethang) depuis le quartier tibétain
On visite le monastère de (Tsethang) dont
l'entrée a été rendue payante par les chinois.
Après s'être un peu perdu dans les ruelles on arrive au
monastère Ngachopa. Il y a sur les murs de l'escalier qui
mène aux toits de jolies petites peintures murales.
On se rend enfin, sous un soleil qui tape très fort, à la
nonnerie Sangak Samtenling que les chinois ont aussi rendue
payante.
On revient en passant à travers les petites ruelles à la « frontière » entre la Chine et le Tibet, une grande avenue avec le village et ses maisons tibétaines d'un côté et la ville chinoise et ses constructions en béton de l'autre côté, puis on se dirige vers le centre ville. C'est un peu déprimant de voir le village remplacé par cette ville chinoise un peu agressive avec ses bâtiments en béton, dans laquelle les quelques tibétains que l'on voit sont relayés au rang de balayeurs ou d'ouvriers du bâtiment.
(Tsethang) est un exemple flagrant de colonisation et
d'assimilation en cours des tibétains par les chinois : une grande
ville chinoise en expansion dont le but est d'étouffer et de faire
disparaître le village originel. C'est d'autant plus frappant ici que le
processus est en cours alors qu'à
(Lhassa) il est
déjà terminé : la ville tibétaine d'origine a
complètement été rasée et remplacée par des
bâtiments modernes, les monuments sacrés réduits à
l'état de curiosité touristique, la seule chose que les chinois
n'ont pas réussi à enlever aux tibétains : leur foi.
D'autres petits signes illustrent ce processus d'assimilation. Bien sûr, les drapeaux rouges chinois flottent sur les maisons tibétaines. Signe plus subtil : au croisement des deux grandes avenues principales de la ville il y avait une statue représentant un singe et une ogresse dont l'union a selon la légende engendré le peuple tibétain, statue décrite dans mon guide daté de 1999. Or maintenant il y a la place une statue de Pégase (clairement mâle ici :-) dans le plus pur style art communiste avec sur les côtés du socle une sorte d'allégorie : un homme et une femme apportant la lumière !
Dernière mise à jour : 10 octobre 2001. | © Stéphane Rivière, s.riviere@uha.fr |